Méthode Feldenkrais et Créativité

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Paris

 

Méthode Feldenkrais et réchauffement climatique

Méthode Feldenkrais et réchauffement climatique

Comment la Méthode Feldenkrais, en nous reconnectant à notre sens proprioceptif, éduque notre cerveau contre la tyrannie du striatum, et peut contribuer à lutter contre le réchauffement climatique, selon le processus décrit par Sébastien Bohler dans LE BUG HUMAIN.

LE BUG HUMAIN de Sébastien Bohler est un livre passionnant que je recommande à tout le monde. Il fait partie de ces livres qui me conduisent à décrypter autrement ce que j’observe autour de moi, à la fois à l’échelle des individus, et à l’échelle de nos sociétés. Le projet de Sébastien Bohler dans ce livre est d’expliquer pourquoi nous n’arrivons pas à mettre en place de vraies mesures pour lutter contre le réchauffement climatique, alors que nous avons face à nous toutes les preuves que celui-ci s’accélère, et menace notre civilisation d’effondrement.

Là tout de suite, vous vous demandez quel rapport l’augmentation des températures peut bien avoir avec la Méthode Feldenkrais, où des gens se roulent tout doucement sur des tapis de gym !…  Eh bien tout cela est lié au fonctionnement du cerveau.

L’hypothèse qu’explore Sébastien Bohler dans son ouvrage, est que notre cortex peut bien savoir ce qui se passe, analyser les résultats des études scientifiques et identifier la menace, et même qu’il serait formidablement intelligent pour mettre en place des solutions. Mais que celui qui empêche notre cortex faire ce travail, c’est un petit noyau très central niché dans notre cerveau, le striatum. C’est lui qui est notre moteur psychique, car les neurones venant de ce striatum nous fournissent de la dopamine et du plaisir en réponse à tout comportement tourné vers la survie.

Et selon Sébastien Bohler, ce qu’il faut retenir, c’est que le striatum prend tout ce qu’il peut avoir. C’est un des plus gros défauts de fabrication de notre cerveau.

Le striatum cherche principalement la satisfaction de cinq renforceurs primaires qui depuis des millions d’années contribuent à la survie des êtres vivants, et vont leur permettre de transmettre leurs gènes :

-la nourriture

-l’activité sexuelle

-le fait de travailler moins pour obtenir le même confort

-le besoin de reconnaissance sociale

-le besoin d’obtenir les informations qui vont améliorer nos chances de survie.

Cette énergie psychique du striatum est ce qui nous motive, nous donne envie de vivre, elle est à l’origine d’inventions formidables pilotées par nos cortex, qui ont augmenté les chances de survie de plus d’êtres humains, comme l’agriculture, la médecine, les transports. Elle a fabriqué des héros qui ont accompli des exploits extraordinaires comme aller sur la lune.

Le problème est que ce qui satisfait le striatum une première fois, et le conduit à libérer une première charge de dopamine, cela ne lui suffit plus la deuxième fois, et nous avons alors tendance à en vouloir plus. Notre striatum continue de se comporter comme si nous étions toujours des chasseurs cueilleurs et ne tient pas compte de l’abondance autour de nous : il continue à en vouloir toujours plus, quitte à nous rendre obèses, ou dépendants des jeux vidéo et des réseaux sociaux, quitte à nous conduire à épuiser les ressources de la planète.

Est-ce ce striatum qui a déterminé notre système d’économie néo-libérale, dont le fonctionnement repose sur la croissance ? En tout cas la prospérité de ce système néolibéral repose sur cette utilisation plus ou moins consciente de cette caractéristique de notre striatum d’en vouloir toujours plus pour se satisfaire. Désormais, les grandes industries notamment les GAFA, utilisent cette caractéristique de fonctionnement de nos cerveaux pour nous amener à consommer toujours plus, à vouloir plus, quitte à nous offrir des produits dosant savamment l’alternance récompenses/frustrations, quitte à ce que l’utilisation des réseaux Internet consomme autant d’énergie que la circulation aérienne mondiale.

 

« S’il fallait brosser un portrait-robot de l’être humain du XXIème siècle dans une large partie du monde industrialisé, ce serait celui d’un individu en surpoids, se déplaçant peu, travaillant de moins en moins, se distrayant par des jeux vidéo sans se lever de son siège, se gavant d’informations sur des écrans, faisant une forte consommation de pornographie virtuelle et vérifiant toutes les dix minutes si l’image qu’il envoie au monde entier par les moyens de télécommunications numériques est aussi avantageuse qu’il le souhaiterait. »

Extrait de : Sébastien, Bohler. « Le bug humain – Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher. » Editions Robert Laffont

Selon Sébastien Bohler,il y a pourtant des solutions pour satisfaire ce fameux striatum sans épuiser la planète. Les chercheurs en neuroscience ont constaté qu’il y avait aussi libération de la dopamine par le striatum quand :

-on pratique la méditation

-on pratique la générosité, l’altruisme

-on apprend de nouvelles choses

Mais cela supposerait une profonde rééducation du striatum car ces activités ont besoin de temps, et il faut apprendre au cerveau à préférer une récompense différée plutôt qu’une satisfaction immédiate. Donc selon l’auteur, il faudrait notamment commencer par repenser complètement notre système éducatif.

 

Mais j’aurais envie d’ajouter un pont supplémentaire entre les renforceurs primaires et ces nouvelles activités qui pourraient régaler le striatum sans danger pour la planète. Sébastien Bohler parle à mon avis trop peu du rôle du corps dans le fonctionnement de notre cerveau. Alors que, Yuval Noah Harari nous dit dans son livre SAPIENS que

 

Gagner au loto, acheter une maison, décrocher une promotion ou même trouver le grand amour n’a jamais rendu personne heureux. La seule et unique chose qui rende les gens heureux, ce sont les sensations plaisantes du corps.

C’est d’ailleurs ce qui m’avait conduite à écrire un article de blog sur le fait que la pratique de la Méthode Feldenkrais augmente le bonheur… ou du moins procure de la joie et un sentiment de liberté.

De fait, la Méthode Feldenkrais s’adresse au corps en première instance, et permet de satisfaire l’un des besoins primaires du striatum :  faire moins d’efforts !

« Lorsque nous réalisons un mouvement, ou prenons une décision quelconque, des neurones situés dans la partie externe du cerveau, le cortex, entrent en action et préparent ce mouvement. Ces neurones possèdent de fins prolongements qui établissent des connexions appelées synapses avec les neurones du striatum. Lorsque le geste ou la décision exécutés se traduisent par un résultat meilleur que le précédent, de la dopamine est libérée au niveau de ces synapses, par les neurones issus de l’aire tegmentale ventrale. Cette dopamine agit comme une colle neuronale : les neurones du cortex qui ont exécuté le geste ou la décision en question se trouvent soudain soudés à ceux du striatum, de sorte que l’acte en question est gravé dans le marbre du cerveau. De cette façon se trouvent stabilisés les comportements qui ont livré des résultats meilleurs que les précédents. »

Et donc la récompense pour le striatum est immédiate. En outre, Feldenkrais avait une formation d’ingénieur, a travaillé aussi comme cartographe. De fait la pédagogie de sa méthode repose sur une investigation systématique des différentes parties du corps : nous observons ce qui se passe pour la même intention de mouvement d’abord dans l’épaule, puis la cage thoracique, puis le bassin, etc… Il y a donc recueil d’informations utiles : encore une manière de satisfaire immédiatement notre striatum.

Mais la pratique de la Méthode Feldenkrais nous conduit aussi à mieux comprendre le fonctionnement de notre corps, le rôle et l’architecture de notre squelette. Les leçons sont aussi l’occasion de s’intéresser au fonctionnement du système nerveux. Bref, notre striatum est content d’apprendre des choses !

Et ensuite, au fur et à mesure de la progression d’une séance Feldenkrais, j’observe que les élèves plongent dans un état particulier de conscience. Ils deviennent attentifs à des détails de plus en plus subtils. Au point qu’ils peuvent ressentir les effets d’un mouvement, simplement en l’imaginant sans le faire : on sait qu’alors, les neurones miroirs sont activés. C’est pour cela qu’on parle parfois de méditation en mouvement pour qualifier la pratique de la Méthode Feldenkrais. Ce qui se passe ressemble alors à ce que Sébastien Bohler décrit quand il parle de l’expérience du grain de raisin que lui avait suggéré Christophe André :

« Ce qui importe ici, c’est la conclusion. Et celle-ci est qu’en développant notre caisse de résonance sensorielle, nous pouvons faire croire à notre striatum qu’il obtient davantage de plaisir, alors que nous lui en donnons moins quantitativement »

Ainsi la Méthode Feldenkrais me semble permettre d’instaurer une passerelle entre les renforceurs primaires du striatum (moins d’efforts et recueil d’informations utiles ) et son fonctionnement plus mâture, car plus élevé dans le niveau de conscience. J’ai d’ailleurs pu constater que certaines personnes qui ont du mal à se mettre à la méditation peuvent y parvenir plus facilement en travaillant d’abord par le mouvement. En effet, l’exploration systématique du mouvement interpelle les cerveaux très ancrés dans un fonctionnement cognitif, et les aide ensuite à rentrer tout doucement, confortablement, dans leur intelligence somatique. Et une séance de Méthode Feldenkrais peut devenir une expérience passionnante, qui nous libère de nos addictions aveugles aux satisfactions primaires du striatum.

Alors oui, j’en suis convaincue, ce travail par la Méthode Feldenkrais peut contribue à élever nos niveaux de conscience et ainsi à lutter contre le réchauffement climatique… comme le fait de sensibiliser nos enfants à des comportements altruistes, et de leur apprendre à se régaler d’acquérir des connaissances…

 

Et il est sans doute plus que temps de s’y mettre, puisqu’au moment même où je rédige cet article, je reçois une alerte du journal Le Monde : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/10/23/rechauffement-climatique-comment-la-realite-a-pris-la-science-de-vitesse_6016624_4355770.html

 

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