Méthode Feldenkrais et Créativité

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Paris

 

FASCIAS ET FELDENKRAIS

FASCIAS ET FELDENKRAIS

Même si personne ne parlait des fascias à son époque, je suis convaincue que Moshe Feldenkrais aurait été passionné par le sujet. L’approche qu’il avait développée, certains de ses préceptes me semblent tout à fait en accord avec les découvertes récentes sur les fascias, et nous allons voir comment.

Feldenkrais faisait des fascias sans le savoir… 

J’aime de plus en plus à orienter l’attention de mes élèves vers la notion de fascia durant mes leçons collectives Feldenkrais, même s’il est quasiment certain que Moshe Feldenkrais, mort dans les années 80, n’a jamais entendu parler des fascias. La recherche sur le sujet s’est vraiment développée à partir des années 2000. Mais je suis convaincue qu’il avait eu l’intuition de quelque chose qui s’en rapprochait.
Et rappelons-le aussi, à l’époque de Feldenkrais, personne ne croyait à la neuroplasticité, et pourtant là encore des découvertes sur le sujet à partir des années 2000 ont validé ses hypothèses…

Alors rappelons quelques-unes des notions de l’approche Feldenkrais qui me semblent pouvoir se justifier par les fascias :

d’abord l’écoute des sensations proprioceptives. Dans ma formation, on m’a parlé des nerfs dans les tendons et les articulations, et aujourd’hui, on sait qu’il y a aussi des terminaisons nerveuses dans les fascias qui nous renseignent sur le mouvement.

le soutien par une organisation optimale, et non par la force des muscles : à l’époque, Feldenkrais pensait que c’était le squelette qui pouvait expliquer qu’on tenait debout. Et il utilisait les informations venues des tendons et des articulations. Aujourd’hui, on parle des fascias comme d’un système de tenségrité organisé sur tout le corps.

le corps envisagé comme un système justement : ce passage sans arrêt du détail le plus subtil à une sensation globale. Oui, un blocage d’un fascia dans une zone du corps peut avoir des effets à un tout autre endroit. Le fascia est un ensemble de fibres réparties sur l’ensemble du corps.

la notion d’allongement : là encore lors de ma formation Feldenkrais, j’ai appris que tout bon mouvement devrait pouvoir être réalisé en favorisant une sensation d’allongement des muscles. On peut comprendre maintenant qu’il s’agit surtout de favoriser l’élasticité et la mobilité des fascias.

 

Et d’ailleurs, les fascias c’est quoi ?

Pour les plus curieux d’entre vous, je vous invite à aller lire l’article dont je me suis inspirée, paru tout récemment dans Courrier International. Mais il y a aussi l’excellent documentaire d’Arte que je continue de recommander sur le sujet. Ou l’ouvrage passionnant, mais plus destiné aux professionnels du mouvement, de Thomas Myers Anatomy Trains, désormais disponible en français.

Les fascias, c’est ces petites membranes blanches un peu translucides que vous avez peut-être déjà observées dans de la viande rouge. En anatomie, on va parler de bandes de tissu conjonctif fibreux, robuste, et souple, qui maintiennent en place les muscles et les organes. Le problème c’est que justement, le fascia empêche de voir les muscles, les os et les organes, donc pendant des années, les anatomistes se sont contentés de les retirer, puis les jeter.

Et puis un jour on s’y est intéressé!… à ce truc blanc et visqueux… et on a découvert que…

Le fascia est le siège d’une activité biologique essentielle. C’est un véritable réseau composite et sophistiqué qui maintient tous les éléments de notre corps ensemble. Avec différentes couches qui glissent les unes par rapport aux autres, comprenant du collagène, de l’acide hyaluronique, des molécules qui agissent comme amortisseurs, des fibroblastes et des fasciacytes, le tout dans une sorte de soupe visqueuse. Il est riche en nerfs qui transmettent des informations sur l’ensemble du corps, notamment de proprioception.

Jusqu’au début des années 2000, personne ne s’y était intéressé. C’est Carla Stecco qui est considérée comme une pionnière sur le sujet, une chirurgienne orthopédique italienne, dont le père, Luigi Stecco, lui-même kinésithérapeute, avait mis au point des premières techniques de « manipulation fasciale », une thérapie où on assouplit manuellement des fascias trop raides qui vont occasionner des souffrances.

Et petit détail qui me réjouit : les fascias qui entourent nos muscles sont organisés en grands réseaux qui traversent tout le corps, et qui suivent le trajet des méridiens d’accupuncture.

Or on sait que Feldenkrais avait beaucoup d’ouvrages sur la médecine chinoise dans sa bibliothèque…

Fascia et douleurs lombaires… mais pas que… 

Le mal de dos est une des douleurs les plus courantes, et pourtant, dans 85% des cas, son origine serait qualifiée de « non spécifique », c’est-à-dire qu’on ne peut en déterminer la cause. C’était compter sans le fascia… et plus particulièrement le fascia thoraco-lombaire qui pourrait être impliqué, et sentir les tensions provenant de la colonne ou de l’abdomen, voire des membres supérieurs, et interpréter ces tensions comme de la douleur.

Les personnes atteintes de douleurs chroniques du dos semblent présenter des fascias de cette région plus raides, les couches de tissu conjonctifs étant collées entre elles, au lieu de glisser. Cela peut survenir après une blessure, ou une inflammation notamment, mais aussi suite à un stress intense.

On distingue désormais aussi les douleurs musculaires, localisées, des douleurs de fascias, plus irradiantes, moins localisées. Certains chercheurs commencent à penser que la fibromyalgie pourrait être associée à une inflammation du fascia.

Alors les chercheurs n’hésitent pas aujourd’hui à faire faire du yoga à des souris (en vrai, des étirements) , ou à suivre des groupes tests qui font des étirements chaque jour pour tester ces hypothèses.
Et il semblerait que cela déclenche des séquences d’événements chimiques anti-inflammatoires, qui ont un effet non seulement sur le confort postural, mais aussi sur d’autres maladies ayant une composante d’inflammation chronique comme les troubles cardiaques, le diabète, le cancer ou la dépression…

Etirer ses fascias… en douceur encore avec la Méthode Feldenkrais

Alors oui, le consensus semble se faire autour de l’étirement. Mais un étirement subtil, qui favorise le glissement des couches de fascias les unes par rapport aux autres, en douceur, et mené de manière systémique.

Combien de fois ai-je vu des personnes qui prenaient soin d’étirer leurs muscles « en forçant », sans se rendre compte qu’elles contractaient violemment d’autres parties du corps quitte à se créer des micro-blessures musculaires, et installer des blocages. Dommage d’abîmer un fascia sous prétexte d’en mobiliser un autre!

Il me semble que l’intérêt de la Méthode Feldenkrais, c’est justement de chercher un allongement cohérent sur l’ensemble du corps. On retrouve alors la logique des « trains myo-fasciaux » comme celui qui part du dessous du pied pour remonter le long de la colonne vertébrale, en ayant suivi l’arrière de la jambe. Considérer le corps comme un système encore et toujours : quiconque a pratiqué un tant soit peu cette méthode a pu faire l’expérience d’un relâchement des hanches après avoir travaillé sur la mâchoire, ou a pu soulager sa nuque en faisant des mouvements au niveau des lombaires…

Bien sûr, d’autres approches vont aussi favoriser cet allongement/assouplissement des fascias, notamment le chiqong que je connais bien, et où on retrouve cette idée du cheminement des méridiens.

Mais je crois que le Feldenkrais va être particulièrement pertinent pour jouer avec les différentes couches de fascia, et favoriser leur mobilité, parce qu’on y va tout en douceur, en variant les mouvements, flexion, torsion, inclinaison, qu’on imagine ces lignes le long de la colonne, ou en diagonale d’une hanche à l’épaule opposée, puis du pectoral vers le bout des doigts, etc.

On cherche justement cette sensation à la fois de souplesse, et de soutien qui est si propre aux fascias. J’aime bien proposer l’image de hamacs intérieurs sur lesquels nous pouvons nous reposer. Des réseaux souples et structurés, qui nous traversent et nous soutiennent, depuis l’appui des pieds jusqu’au sommet du crâne, et jusqu’au bout des doigts.

 

Et vous ?

Quel étirement délicieux pourrait vous faire du bien ?
Là où vous sentez moins de mobilité, pourriez-vous imaginer « défroisser » vos fascias ?
Sur plusieurs couches superposées qui pourraient glisser les unes sur les autres ?
Dans différentes directions ?
Devenir plus ancré et plus léger à la fois ?
Que vos bras se soulèvent sans efforts ?
Et quels fascias profonds ou superficiels se mobilisent dans votre respiration ?

Autant de perceptions fines puis de mobilités bienfaisantes, que vous pourrez découvrir et développer avec la Méthode Feldenkrais !

 

Blandine Stintzy

Septembre 22

 

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