Sortir de sa zone de confort ou…  la ré-inventer?!…

Sortir de sa zone de confort ou…  la ré-inventer?!…

Alors que l’expression « quitter sa zone de confort » a pu être tellement séduisante et engageante, comme un joyeux défi à relever, j’ai l’impression qu’elle est désormais en train de se teinter d’une violence sournoise. D’incitation elle devient obligation à « toujours se dépasser », chargée d’un culpabilisant sous-entendu « t’es même pas cap » … Est-ce vraiment la meilleure manière de se « développer » ?

La Méthode Feldenkrais nous donne des clés pour entraîner notre créativité, et continuer d’évoluer, de nous déployer, en considérant notre zone de confort comme « une base » … sur laquelle nous appuyer, sans oublier de l’interroger, voire même la transformer.

La Méthode Feldenkrais, quelques notions…

C’est un travail par le corps sur le système nerveux, qui ressemble à de la gym douce.
On effectue de petits mouvements, le plus souvent allongé, en « condition de confort », mais ce qui est spécifique, c’est qu’on y porte une qualité d’attention particulière. On apprend à sentir le rôle différencié de chaque partie du corps dans le mouvement, puis on intègre les différentes parties, et on développe de nouvelles coordinations plus efficientes.

La première indication de la Méthode Feldenkrais c’est de se débarrasser de douleurs de dos, ou autres douleurs articulaires, donc de retrouver du confort, mais aussi de développer des mouvements plus fluides, plus efficaces, de mieux doser son énergie quand on entreprend une action. De plus en plus de danseurs, de musiciens, de sportifs de haut niveau y ont recours pour améliorer leurs performances, donc bien au-delà de la “zone de confort”!

Et ensuite, les personnes qui ont vécu ces expériences dans leur corps constatent des effets étonnants allant bien au-delà de la dimension purement physique. Ces personnes abordent autrement des problématiques de leur vie quotidienne, leur créativité est stimulée, ainsi que leur vitalité.

Quelque chose en elles s’éveille,
Une capacité à questionner les évidences,
A repérer des détails,
A changer de point de vue.
A questionner pleinement, de plein de manières différentes,
Et surtout, une capacité à se sentir tranquille avec l’inconnu.

Car Feldenkrais le disait lui-même : « ce que je cherche, ce ne sont pas des corps souples, mais des cerveaux souples… »

Pourquoi rester dans une zone de confort ?

Ce qui est très particulier à la Méthode Feldenkrais, c’est qu’on apprend en ressentant, en essayant, en se trompant, en constatant par soi-même, en notant des détails, et en les intégrant au global, et surtout en restant dans des conditions de confort, loin de la douleur, loin de l’effort.

Et il y a une raison à cela : le cerveau apprend beaucoup mieux quand il se sent en sécurité.  Sinon, il est accaparé par une vigilance d’urgence : il fait attention à se protéger, gérer les limites, ne pas se faire mal ! L’expression populaire le dit bien : « ventre affamé n’a point d’oreilles »…

Alors oui, effectivement, la plupart des personnes qui pratiquent la Méthode Feldenkrais n’ont pas l’impression de faire beaucoup d’efforts physiques, installées confortablement sur leur tapis de gym. Ce qui ne veut pas dire qu’elles n’ont pas l’impression parfois de faire des mouvements bizarres, étonnants, voire difficiles… mais c’est plutôt une question d’entraînement de l’attention, et de la coordination…

Ces personnes ne sont pas sorties de leur zone de confort au sens strict, mais l’ont agrandie, élargie…se sont confrontées à des sensations inconnues, et surtout, elles ont questionné leurs habitudes !

Habitudes /vs/ Zone de confort

Car ce qu’on appelle « zone de confort », ce sont souvent les habitudes auxquelles on ne prête plus attention, les automatismes dans la manière de faire ou de penser…

Attention, il ne s’agit pas de dire que les habitudes c’est mal !… Elles nous font gagner du temps, pas la peine de réinventer chaque matin sa manière de préparer le café ou de faire du vélo.

Mais…

Il est intéressant de pouvoir parfois prendre le temps d’interroger ses habitudes… C’est exactement ce qu’on fait avec la Méthode Feldenkrais, en portant une attention particulièrement subtile aux détails.

Par exemple, si vous êtes assis en train de lire ces lignes,

-savez-vous si vous êtes en appui plutôt sur l’ischion droit ou l’ischion gauche ?
-peut-être le saurez-vous si vous sentez où est votre tête ? plutôt au-dessus de la fesse droite ou de la gauche ?
-si ce n’est pas clair pourriez-vous venir en appui sur un ischion, puis sur l’autre, et constater la différence ?
-comment faites-vous, et que fait le pied droit quand vous allez sur l’ischion gauche ?
-pourrait-il vous aider ?
-et où revenez-vous quand vous n’êtes plus ni vers l’ischion droit ni vers le gauche ?
-et vos épaules sont-elles plutôt tournées vers la droite ou vers la gauche ?
-votre respiration est-elle fluide ? sentez-vous des mouvements liés à la respiration dans votre abdomen, dans votre cage thoracique ?
et encore…
Etes-vous certains de ce que vous avez constaté ?

Car combien de fois m’est-il arrivé qu’une personne venue travailler avec moi m’explique qu’elle se tient plutôt sur la jambe droite car elle a mal au genou gauche… Puis que nous constations ensemble, grâce à des petits mouvements d’un côté ou de l’autre que cette même personne est en fait presque tout le temps en appui sur la jambe qui lui fait mal, et entretient ainsi sa douleur sans même s’en rendre compte ! Alors quel plaisir elle peut éprouver à constater que sa zone de confort pourrait être plutôt… de l’autre côté ! Nouvelle habitude qu’elle doit réapprendre avec les coordinations qui vont avec, au niveau du bassin, des épaules, de l’inclinaison de la tête.

Donc oui, nous confondons souvent zone de confort et habitudes… Et ce que nous prenons pour notre zone de confort s’avère moins confortable que ce qu’on croyait, si on commence à l’interroger avec minutie et bienveillance…

 

Mettre en question sa zone de confort

Ce que la Méthode Feldenkrais peut nous inciter à faire, avant de quitter notre zone de confort, c’est donc de faire confiance à notre corps pour

• Explorer notre zone de confort
• Questionner notre zone de confort
• Découvrir qu’on peut l’ajuster, l’adapter à ce qui est bien pour nous maintenant
• Accepter d’être surpris de ce qu’on découvre
• Honorer sa zone de confort
• La respecter, la remercier, la chérir
• Et donc se ré-conforter !…
• Et sentir le moment où cela nous a permis de rassembler notre énergie

Pour aller explorer de nouvelles zones !…

 

Ecologie de la zone de confort

Et pour compléter par un sujet qui me tient à cœur, j’aime à croire que cette capacité à entretenir une relation amicale et bienveillante avec sa propre zone de confort peut nous aider à repérer et à mieux respecter la zone de confort des autres.

A partir du moment où nous comprenons mieux l’intérêt d’une zone de confort désormais considérée comme « base sécurisante pour un développement harmonieux », nous voyons toute l’utilité d’inviter les personnes autour de nous à en bénéficier.

Car l’on sait que les personnes qui ne se sentent pas bien vont plus facilement être toxiques voire maltraitantes pour leur entourage… Alors je suis convaincue que de s’occuper de notre zone de confort nous apprend à mieux repérer les signaux faibles, et à entrer plus facilement en empathie, à devenir aptes à soutenir les autres pour trouver leur base et s’y déployer. Et j’aime imaginer une spirale positive de renforcements réciproques.

Et enfin… il est une autre zone de confort que nous pourrions apprendre aussi à chérir, respecter, célébrer et surtout protéger, c’est la zone de confort de la planète ! là aussi, nous pourrions nous mettre à une écoute plus subtile de ses besoins, et apprendre à les respecter!

Et pour commencer… si on arrêter de valoriser des « sortir de sa zone de confort » pour aller escalader l’Everest ou même le Mont-Blanc et contribuer à ruiner nos montagnes par le surtourisme…

Travailler en conditions de confort, mais surtout par une écoute subtile de nous-même, grâce la Méthode Feldenkrais ou la Méditation, ou d’autres approches du même type, peut devenir une aventure tellement riche et passionnante…

Et nous amener à mieux prendre soin de nous … et des autres !

Alors ?!… Et vous?
Laquelle de vos habitudes pouvez-vous imaginer remettre en question confortablement ?
Comment allez-vous interroger et ré-enchanter votre zone de confort ?!…  

 

Blandine Stintzy
décembre 22