Méthode Feldenkrais et Créativité

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Paris

 

Comment sait-on qu’on est en train de méditer?

comment sait-on qu'on médite

Comment sait-on qu’on est en train de méditer?

Suite à mon dernier atelier Feldenkrais et méditation, je voudrais revenir sur cette question magnifique posée par une des participantes, et qui a en quelque sorte tenu lieu de « conclusion suspensive » à l’atelier… Comment sait-on qu’on est en train de méditer ?

Il me semble que cette question sous entend qu’il y a une « bonne » manière de méditer, et donc des gens qui méditent « mal »… Et de fait, certaines personnes se découragent de persévérer dans la méditation, notamment quand elles sont seules chez elles, car elles ont l’impression qu’elles n’y arrivent pas… Et disons que cet article s’adresse spécialement, et avec beaucoup de sympathie à toutes celles-ci…

Car oui, nous avons tous en tête cet idéal d’une méditation où on aurait atteint le vide de pensées. Nous espérons une révélation, une sorte d’illumination où toutes ces pensées seraient abolies. Le fameux « vide » bouddhiste ? Ou alors au moins des voyages sensoriels extraordinaires comme ceux que décrit David Lynch dans ses expériences de méditation transcendantale… Moi-même, pour être sincère, je ne suis pas sûre d’y avoir complètement renoncé…

Et peut-être même que c’est ce que j’espérais quand j’ai commencé à méditer ? De fait, j’ai fait plusieurs tentatives au cours de ma vie, pour commencer par constater que je n’arrivais pas à ordonner à mes pensées de s’arrêter… qu’il y avait de multiples manières de respirer et que je n’arrivais pas à trouver celle qui convenait… je me suis alors dit plusieurs fois que je n’étais pas douée par cette pratique, et j’ai remis à plus tard… Jusqu’à ce jour où suite à des discussions avec une amie très impliquée dans Vipassana, j’ai décidé de m’y remettre. J’ai alors voulu m’inscrire à des retraites, mais je me suis systématiquement retrouvée en liste d’attente, alors j’ai décidé d’essayer toute seule de mon côté, et j’ai mis à profit ma tendance à des réveils nocturnes…

Pendant 2 mois, à 3h du matin, au lieu de me tourner et retourner dans mon lit et d’être de plus en plus enragée, j’ai décidé d’aller m’asseoir et d’observer ma respiration et mes pensées. J’ai essayé diverses postures assises, diverses durées, entre 5 et 30 minutes. J’ai survécu à des inconforts et des fourmis dans les jambes, utilisé la méthode Feldenkrais pour négocier la posture. J’avais alors la certitude que je n’étais pas du tout en train de méditer, ou alors parfois un éclair de méditation dont j’estimais la durée à 3 secondes environ…

J’ai alors renoncé à méditer… et j’ai décidé de reconnaître simplement que j’en venais à me « présenter à la méditation ». Je ne savais pas encore que c’était peut-être un premier pas vers l’acceptation.

Il faut dire qu’il y avait du chemin à faire !… J’ai commencé alors à observer que spontanément, ma respiration s’arrêtait, et que c’était un effort énorme de respirer. Alors j’ai parfois amplifié délibérément ma respiration dans les endroits où elle était coincée, merci encore à la Méthode Feldenkrais. Et à d’autres moments, j’ai juste observé comment la respiration reprenait « spontanément », après un temps plus ou moins long d’apnée. Et avec cette respiration qui revenait, j’ai eu de grosses montées de chagrin. Je me suis vue tout bébé avec l’envie de mourir. Cela se passait quand ma famille est rentrée d’Algérie, et j’avais alors un âge où mes parents ont cru que j’étais préservée du chagrin parce que je ne comprenais pas… Chaque séance de non-méditation était alors suivie par une heure à pleurer… décidément, je ne devais toujours pas être en train de méditer, puisque la méditation devrait nous apaiser ?!…

J’aurais pu renoncer, mais là, ce sont mes chats qui en ont décidé autrement : comme ils avaient pris l’habitude de mes réveils nocturnes, ils m’obligeaient à continuer à me lever… et tant qu’à faire, j’ai continué à m’asseoir… Et puis il y a eu aussi le livre de Tim Parks Le calme retrouvé publié chez Actes Sud. Un romancier anglais y raconte ses tentatives de méditation avec un humour très british… J’ai beaucoup de gratitude pour ce livre qui m’a déculpabilisée de ne pas arriver à méditer…

Je continuais donc de me présenter à la méditation en ayant renoncé à méditer… Mais j’ai commencé à constater que mes journées étaient différentes quand j’avais accompli ce rituel. Je les vivais plus pleinement, j’étais plus en prise avec ce qui pouvait se passer, dans une forme de curiosité tranquille… Et puis j’ai commencé à avoir des moments dans ces temps de « non-méditation » où j’avais des intuitions sur le pourquoi-comment de mon chemin de vie. Des moments de clarté… que j’ai adorés, et qui ont suscité des attentes de ma part !… au point qu’ils ont disparu pendant une longue période !…

Au moment où j’avais peut-être l’impression que j’étais en train de presque parvenir à méditer, je n’y arrivais plus !… Ce qui m’a donné l’occasion d’expérimenter ce qu’on peut appeler « l’esprit du débutant »…

Et j’ai continué de ne pas méditer et de me présenter à la méditation. Aidée ensuite par le livre de Chade-Meng Tan Connectez-vous à vous-même… Là encore, une présentation ludique et joyeuse de la méditation comme un entrainement de l’esprit, au même titre qu’on pourrait faire du sport :

On porte attention à la respiration, et dès qu’on s’aperçoit qu’on rumine et qu’on n’est plus dans l’instant présent à porter attention à sa respiration, on ramène gentiment mais fermement son attention sur cette fameuse respiration.

Ce qui est très « consolant » dans la présentation de Chade-Meng Tan est qu’il explique que chaque fois que les pensées s’évadent, c’est l’occasion pour le postulant de « muscler l’esprit » !… Du coup, plus besoin de se fustiger : on arrive à positiver sur ses difficultés, ce qui est tout de même fort encourageant !… Et de fait, chaque fois que j’ai cru « tenir un moyen de bien méditer », cela m’a conduit à m’apercevoir au bout d’un temps que j’étais dans une impasse… Et qu’il me fallait revenir à la base et renoncer encore…

 

Peut-être que ce qui est précieux, ce n’est pas tant d’arriver à méditer que d’essayer ?

Essayer de créer un espace pour accueillir ce qui est, y compris la constatation qu’on n’y arrive pas. Peut-être que c’est alors dans cette acceptation que se situe la méditation plutôt que dans le fait de « savoir » qu’on médite ? Peut-être qu’on médite quand on continue d’essayer malgré les ruminations qui n’arrêtent décidément pas, malgré la colère qui monte, pour peu qu’on la reconnaisse ?

 

Peut-être même que dès qu’on « sait » qu’on médite, c’est qu’on n’est plus en train de méditer ?

Peut-être que la méditation n’est pas un long fleuve tranquille, même si nous y aspirons ?… Peut-être est-ce juste ce chemin dont nous rêverions qu’il mène à ce fleuve ? Peut-être sommes nous en train de méditer si nous suivons son parcours sinueux fait de rencontres diverses, de frustrations, et aussi parfois, de merveilleux moments d’accueil qui nous réjouissent , parce que certains éléments de notre vie prennent tout à coup leur juste place… Même si l’on constate que cela ne va durer qu’un instant, et qu’on va devoir tout recommencer…

Et vous ? Comment savez-vous que vous êtes en train de méditer ?…

 

Blandine Stintzy

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