Méthode Feldenkrais et Créativité

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Paris

 

mouvement naturel vs mouvement habituel

mouvement naturel vs mouvement habituel

« Ce mouvement est plutôt agréable, mais ça fait bizarre, il n’est pas… naturel »
Voici quelque chose que j’entends souvent lors des leçons de Méthode Feldenkrais, que ce soit des leçons collectives ou individuelles. Et je réponds en général…
« Est-ce qu’on pourrait dire plutôt que ce n’est pas… habituel pour toi ? »

Cette confusion est fréquente, entre ce qui est naturel et ce qui est habituel, parce que ce qui est habituel finit par nous sembler naturel !… Une fois qu’on a pris l’habitude d’une manière de faire un mouvement, celle-ci devient « naturelle ». Alors que cette manière de faire est en réalité le plus souvent le produit d’un apprentissage, d’un conditionnement, voire même l’indice d’une limitation. Mais le système nerveux a une prédilection naturelle, qui est de reproduire en boucle ce qu’il sait faire : puisque ça a marché, on continue de faire pareil, et cette manière de faire devient évidente, et finit par apparaître comme la seule possible. Pas de chance !… Nous voilà enfermés dans un mécanisme qui ressemble fortement à la névrose : on continue d’agir selon des schémas qui ont été une bonne idée à un moment, sans se rendre compte qu’ils sont inadaptés à la situation actuelle.

Or c’est justement de cela qu’il s’agit en Feldenkrais : de remettre l’évidence en question… comme nous le dit le titre d’un des livres de Moshe Feldenkrais. On prend le temps pour consacrer une forme d’attention particulière à venir interroger ce qui nous semble naturel… En partant du présupposé que ceci ne l’est pas !…

On peut parler de mouvements naturels chez un poulain qui galope dans les champs quelques heures à peine après sa naissance. Nous sommes loin de cela chez le petit d’homme !… Les mouvements des bébés dépendent de leur environnement, de la manière dont ils sont emmaillotés ou au contraire libres de leurs mouvements, du fait qu’on les fait dormir sur le dos ou sur le côté, dans un berceau plus ou moins grand et du temps qu’on leur accorde pour apprendre tout seuls à se redresser, ce qui va leur forger des muscles différents que si on les assied directement dans un babyrelax… Et l’apprentissage et le conditionnement continuent tout au long de la vie : on se tient d’une certaine manière pour jouer du violon, ou jouer au tennis, et cela finit par sembler naturel… on peut préserver certaines articulations après une blessure, et le système nerveux les « oublie » et ne pense plus à s’en servir. Et après seulement quelques semaines, cela nous semble naturel de marcher de travers – un travers qui peut être infime et invisible au début…jusqu’à ce que cela nous cause des douleurs, parfois des années plus tard.

La Méthode Feldenkrais est l’occasion d’aller se rendre compte de nos habitudes ou conditionnements. Beaucoup des leçons collectives sont construites autour d’un mouvement de référence comme par exemple « lever le bras ». Il s’agit de « prendre conscience » de la manière dont on s’y prend pour faire ce mouvement, et de tester un grand nombre de variations intégrant diverses parties du corps, divers types de coordination. L’occasion pour l’élève de se rendre compte qu’il y a du choix, et que certains choix peuvent rendre le mouvement plus facile et plus agréable. Le système nerveux a ainsi l’occasion de revisiter des manières de faire différentes. Et de se rendre compte que la manière qui semblait jusque là naturelle n’est pas forcément la plus confortable… et donc de pouvoir la requalifier de habituelle. Ce qui encourage le système nerveux à pouvoir s’ouvrir à d’autres manières de faire.

Le corollaire de ceci, c’est qu’il n’y a pas une seule bonne manière de faire. Car cette seule manière de faire nous conduirait à oublier les autres, et donc à limiter nos choix et à nous enfermer dans une manière qui deviendrait « naturelle », mais qui pourrait ne pas être la mieux adaptée aux circonstances… Il n’y a jamais une bonne manière de faire adaptée à toutes les circonstances possibles !…

 

La bonne nouvelle, c’est que nous sommes dotés de ce qu’on appelle le sens kinesthésique qui nous permet d’ajuster chaque mouvement à chaque instant en fonction de nos intentions et de ce que nous ressentons de notre corps. Alors il y a une habitude que nous pourrions adopter jusqu’à la rendre « naturelle », ce serait de porter attention à nos sensations le plus souvent possible, en renonçant à l’idée qu’il y aurait une seule bonne manière de faire. Il s’agit de rester à l’écoute, de sentir, et de laisser faire une forme d’intelligence somatique qui est plus profonde et plus sage que notre seule décision cognitive de modélisation du mouvement. Et si tout ceci semble sophistiqué, on peut le dire plus simplement…

 

Interrogez vous toujours quand vous faites un mouvement ou quand vous cherchez une posture. De toutes petites questions posées systématiquement peuvent faire une grande différence… Sur la qualité de la respiration, sur les appuis au sol et la possibilité de les faire varier, sur les tensions qu’on ressent dans les épaules, sur la direction du regard, etc… à l’instar de ce qui se fait lors de leçons collectives de mouvement… Et toutes ces questions peuvent être l’occasion de tester de petites variations dans le mouvement ou la posture…

 

Ce qui pourrait devenir une bonne habitude, c’est de contacter ce plaisir d’explorer, et d’élargir ses possibles en reconnaissant systématiquement des espaces de choix, en venant jouer gentiment avec l’inhabituel… C’est cela qu’on apprend avec la Méthode Feldenkrais… et j’éprouve toujours une joyeuse satisfactions quand certains de mes élèves constatent que cette « habitude » nouvelle s’étend au delà de la pure question du mouvement corporel, vers leurs manières de penser ou de se confronter aux situations de la vie…

 

Blandine Stintzy
Feldenkrais et créativité    

et sur la photo ci-dessus, avez-vous repéré l’inhabituel?

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