Méthode Feldenkrais et Créativité

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Paris

 

ralentir… en douceur

ralentir… en douceur

A l’heure où tant de gens se plaignent d’être soumis à trop de stress et de pression, sommes-nous vraiment prêts à ralentir ?
Les spécialistes en neurosciences constatent à quel point nous sommes devenus accros à un rythme effréné que nous contribuons à accélérer de plus en plus. Au point que ralentir pourrait d’abord s’avérer vertigineux et anxiogène. Alors que cela pourrait aussi nous faire tellement de bien…
Alors on fait comment ?

Tout va très vite !

C’est devenu un lieu commun de dire que tout s’accélère !
Et c’est un jeu tellement amusant de gagner du temps et d’avoir l’impression de faire plus, plus vite et en même temps !
On peut accéder à plein d’informations instantanément grâce à Internet, et cela pourrait augmenter notre efficacité dans le travail. Ou au moins justifier qu’on nous en demande toujours plus.
Et pour les loisirs aussi : le mot binge-watching a désormais une traduction en français, cela s’appelle du visionnage en rafale, ou visionnage boulimique, que ce soit pour voir une série plus rapidement, ou pour avaler plus de contenus…

Mais suis-je la seule à ressentir parfois une forme d’étouffement face à cette accélération ?

Par exemple quand j’écoute France Inter le matin, avec d’abord les notifications légales lors des pubs, dont la vitesse est largement accélérée. Je le ressens comme une agression.

Mais aussi quand ils passent des interviews pendant les journaux d’information. Avez-vous remarqué qu’au montage, ils ont tendance désormais à couper le moment où la personne interrogée respire ? Certes, il n’y a alors pas de « contenu verbal », mais une respiration peut nous raconter tellement de choses sur l’état émotionnel de la personne… et donc nous donner aussi des informations, même si c’est à un niveau moins conscient. Et surtout cette respiration peut nous permettre à nous aussi qui l’écoutons de respirer parfois.

Mais tout le monde semble respirer de moins en moins et parler de plus en plus vite. Comme ces jeunes parents que j’entendais l’autre jour discuter dans un café où ils ont l’habitude de se retrouver le matin, entre le moment où ils déposent leurs chers bambins à l’école, et le moment où ils se plongent dans leur travail. Ils se plaignaient de leur difficulté à endormir leurs enfants, mais ils parlaient tellement vite, ils avaient tellement de choses à dire, que j’étais épuisée rien qu’à les entendre. Et je ne voyais pas où leurs enfants auraient pu trouver l’espace pour s’endormir.

Ce n’est pas pour rien qu’on avait inventé les berceuses, il y a longtemps… 

Suis-je devenue trop sensible à force d’accompagner des personnes grâce à la Méthode Feldenkrais ou à l’Hypnose Générative où l’on s’entraîne justement à plonger dans une temporalité différente ?

Et d’ailleurs je propose souvent aux personnes de ralentir leur mouvement pendant mes cours, pour sentir autrement et surtout autre chose… Et force est de constater que ce sont souvent les personnes qui faisaient déjà lentement qui ralentissent les premières. Pendant que celles à qui je voulais m’adresser semblent n’avoir même pas entendu.

Bien sûr la notion de rapidité est très relative, et même de plus en plus.  

Et ces mêmes jeunes parents, qui se plaignent que leurs enfants ne dorment pas, ont pris l’habitude de faire plusieurs choses en même temps. Ils se dépêchent de faire leurs courses sur internet quand ils s’ennuient pendant une réunion, ou de travailler quand ils accompagnent leurs enfants au sport…

Il est tout à fait « normal » de nos jours de rentabiliser chacun de nos instants comme le raconte cet article du Monde « Microtravail, le maxi fil à la patte »

Grâce au smartphone, on peut désormais envoyer un mail pro ou annoter un document dans le métro, la salle d’attente ou au parc, pendant que les enfants jouent. Ce travail fragmenté est-il une libération ou un nouvel esclavage ?

Tout ceci n’est pas que nouveau : Charlie Chaplin avait déjà soulevé cette question dans son film LES TEMPS MODERNES, où il montrait à quel point l’avènement du capitalisme contribue à cette accélération des choses.

 

Et tout ceci peut être tellement amusant et excitant : notre cerveau est programmé pour adorer le « toujours plus », comme nous le savons depuis que les scientifiques ont étudié les effets de la dopamine sur notre cerveau.

 

Notre cerveau a besoin de calme

De fait cette rapidité si excitante parfois, nous fait aussi perdre la raison.
Ces jeunes parents attentifs et pressés finissent par échanger des conseils sur les substances qu’ils administrent à leurs enfants pour les aider à plonger dans le sommeil. Des gouttes aux plantes, ou un médicament pour les enfants hyperactifs. C’est leur manière d’être attentifs et bienveillants, quitte à faire plus de mal que de bien à leurs enfants.

Et l’on constate que en même temps, notre temps d’attention se réduit de plus en plus. Comme peut vous l’expliquer ce bref podcast de France Inter de 80’’, citant les travaux de Gloria Mark, professeure d’informatique à l’université de Californie.

En 2004, elle avait mesuré que les gens, face à leur ordinateur, restaient en moyenne concentrés 2’30’’ sur une tache avant de passer à autre chose et d’y revenir. En 2012, ça chute à 75’’. Aujourd’hui, c’est 47″.

Ce que cette étude raconte, c’est que nous risquons de devenir incapables de mener une réflexion sereine qui demande un certain temps ? Comme des poissons rouges ?!…

 

Ralentir, mais pas n’importe comment

Alors sur le principe, nous allons tous être d’accord sur l’idée de ralentir… mais demain. Car c’est loin d’être simple.

Le même podcast de France Inter relate des travaux de chercheurs qui ont mis en évidence notre dépendance aux portables et le rôle de ceux-ci dans la diminution de notre temps d’attention possible.

Les différents chercheurs (…) pointent le rôle diabolique du téléphone portable et des notifications

Notre cerveau ne peut pas y résister. Plus vicieux encore, y résister peut faire monter l’angoisse, comme l’a montré une sadique enquête de laboratoire où des gens étaient séparés de leurs portables mais entendaient, désemparés, le concert des notifications sur leurs téléphones.

 

Ralentir peut paradoxalement conduire à une accélération de nos pensées, et ouvrir un gouffre angoissant dont nous n’avons plus l’habitude.  Nous n’avons plus envie de nous confronter aux fantômes qui hantaient les châteaux d’antant, mal éclairés aux bougies et pleins de fantômes.

Dès que nos émotions pourraient nous submerger, nous avons pris l’habitude tellement confortable d‘allumer une lumière, un appareil de télévision, un ordinateur, un smartphone, de nous brancher sur une appli, de nous plonger dans tout ce que nous pourrions acheter là tout de suite, ou de nous exclamer devant des infos effrayantes que nous allons partager instantanément.
Ce qui nous permet d’oublier nos propres sensations.

Quitte à zapper encore si vraiment nos émotions continuent de nous poursuivre…

Toutes ces sollicitations nous permettent de consommer d’avantage, en même temps que de nous affranchir de nos angoisses existentielles, et d’oublier la menace des guerres ou du réchauffement climatique qui pèsent sur nos vies.

Nous partageons des alertes et des notifications, et pendant ce temps nous nous coupons de certaines réalités et surtout d’une écoute profonde de nous-mêmes.

 

Ralentir pour aller mieux

Ces temps, comme le sommeil ou la rêverie, où nous ralentissons sont pourtant essentiels pour notre santé.
Ils permettent de nous libérer des tensions et du stress.
Ils font du bien à notre système cardiovasculaire, à notre système immunitaire.
Ralentir quand nous mangeons aiderait à lutter contre l’obésité, considérée désormais comme une épidémie.

Et puis ralentir peut nous aider à communiquer autrement, à rencontrer les gens autrement, pour aller mieux. J’ai eu envie d’écrire cet article après avoir entendu Jeanne Herry parler de son film sur la justice restaurative, Je verrai toujours vos visages. Elle y expliquait combien prendre le temps est primordial, pour cette démarche basée sur la parole et surtout l’écoute, qui permet aux personnes de se reconstruire après un drame, et de sortir de la spirale de la violence.

Mais ralentir nécessite une forme de rééducation, car la vitesse est devenue une addiction, et à ce titre, on ne se débarrasse pas de sa dépendance si facilement. C’est bien expliqué dans le podcast de France Inter dont je vous parlais plus haut : pas de sevrage brutal surtout.

Au risque de replonger encore plus violemment dans les angoisses…

Alors pourquoi pas en pratiquant la Méthode Feldenkrais ?
Elle me semble particulièrement pertinente pour les personnes qui ont tendance à mentaliser beaucoup, car elle oriente l’activité du cerveau qui risque de submerger ceux qui essayent de ralentir. On pose des questions sur les sensations, sur la manière de conduire le mouvement, on rentre dans une attention de plus en plus fine.

Et tout à coup nos repères de temps et d’espace changent.
Le temps ne compte plus de la même manière…

Et puis surtout on n’est pas tout seul…

En tant que prof, je vois les gens tout à coup plonger dans une sorte de confusion, et se relâcher… et puis bientôt un sourire… détente, bien-être

Et on peut ensuite continuer avec la méditation, ou l’Open Focus, et apprendre à accueillir plus tranquillement nos sensations et nos émotions.

Et retrouver notre capacité d’émerveillement, pour une fleur, pour un parfum, pour un rayon de soleil, pour un sourire…

Comme dans le poème Jardin de Jacques Prévert

Des milliers et des milliers d’années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d’éternité
Où tu m’as embrassé
Où je t’ai embrassée
Un matin dans la lumière de l’hiver
Au parc Montsouris à Paris
À Paris
Sur la terre
La terre qui est un astre.

 

Et vous, comment allez-vous ralentir ?

Êtes-vous prêt à essayer ??

En lisant des poèmes ou des livres à haute voix ?
En mangeant tranquillement sans regarder une série ou un film en même temps ?
En mâchant vingt fois chaque bouchée quand vous mangez, jusqu’à sentir le goût de l’aliment changer dans votre bouche sous l’effet de la salive
En marchant lentement, sans téléphoner ?
En restant dans le métro au moins 5 stations sans consulter votre téléphone portable ?

En faisant du Feldenkrais et/ou de la méditation ?
En plongeant dans une séance d’Hypnose Générative ?

En regardant simplement le ciel ,ou en contemplant une fleur?
En respirant moins vite ?
En prenant le temps de regarder une petite coccinelle se promener ou des enfants jouer ?

Êtes-vous prêt à noter les sensations qui arriveront en vous ?
Un peu d’angoisse liée à votre addiction à la vitesse ?
Et puis un calme bienfaisant ?
Des urgences qui deviennent plus relatives…

Et peut-être des désirs nouveaux, ou oubliés depuis trop longtemps ?
Et des idées pour les réaliser…

Alors quand allez-vous commencer à vous offrir des petits temps au ralenti ?

 

 

Blandine Stintzy

avril 2023

 

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