Méthode Feldenkrais et Créativité

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Paris

 

POURQUOI mes élèves ont mal au dos pendant les vacances?

POURQUOI mes élèves ont mal au dos pendant les vacances?

Lors de la rentrée et reprise des cours collectifs Feldenkrais, il arrive souvent que des élèves arrivent en me disant qu’ils sont contents de reprendre… parce qu’ils avaient mal au dos, ou au moins qu’ils sentent la différence dans leur corps. Ils m’expliquent qu’ils vont moins bien, quand ils ne suivent pas les leçons Feldenkrais régulièrement.

Alors bien sûr, je peux ressentir une première impulsion de contentement au niveau de mon striatum qui nourrit mon ego : je suis fière et heureuse que mon utilité soit reconnue, voire de m’être rendue quasiment indispensable. Et je vous parlerai du fonctionnement du striatum à une autre occasion, quand j’aurai terminé de lire le passionnant livre que Sébastien Bohler y consacre, Le Bug Humain. Je peux aussi me dire que d’un point de vue marketing, ce ressenti est positif, car il contribue à fidéliser mes élèves. Les élèves reviennent, et peut-être même peuvent-ils parler de cette amélioration qu’ils ressentent quand ils pratiquent la Méthode à des gens de leur entourage qui vont devenir mes élèves ! Que du bénéf !

Sauf que d’un point de vue éthique, je suis moins contente. Car l’essence de la Méthode Feldenkrais, c’est d’accompagner des personnes pour les libérer de leurs difficultés de mouvement et de posture. Et donc cela suppose de les aider à acquérir une certaine autonomie. Ma responsabilité est de les accompagner pour qu’elles s’approprient une panoplie de pratiques et d’outils pour prévenir ou résorber leurs maux de dos. Alors si certains de mes élèves deviennent dépendants des cours, j’ai tendance à considérer que j’ai échoué, ou tout au moins que je n’ai pas encore réussi !

Pourtant, je propose régulièrement à l’issue des séances, de repenser à certains mouvements qui ont été particulièrement agréables ou pertinents. Et j’invite à refaire des petits bouts de la leçon chez soi ensuite. Je prends soin aussi de donner en fin d’annéedes leçons que j’appelle « Feldenkrais-Reset » où je rappelle quelques mouvements principaux d’une leçon qui s’adresse à une partie du corps ou à une fonctionnalité particulière de mouvement. J’invite mes élèves à partir de leur propre problématique, et à s’entraîner à chercher les mouvements qui pourraient leur faire du bien. J’invite aussi mes élèves à prendre le temps de s’écouter, régulièrement, pour prendre soin des petites douleurs avant qu’elles ne deviennent grandes, voire chroniques.

Bref, j’essaie de partager aux mieux mes compétences et d’inciter mes élèves à devenir leurs propres profs. Et beaucoup d’entre eux savent au moins faire l’horloge du bassin, ou rouler la tête. Ah, l’horloge du bassin : c’est le premier mouvement que j’ai découvert quand j’ai commencé par suivre mes premiers cours en tant qu’élève de François Combeau. A l’époque, j’avais une hernie discale grave, et ce qui m’a permis de la surmonter sans opération, c’est de me mettre et remettre au tapis, et de faire des horloges du bassin. J’avais l’impression d’entrer dans la boîte noire de ma douleur et de pouvoir enfin me réapproprier celle-ci.

Alors pourquoi mes élèves, qui sont des gens intelligents, qui n’ont pas forcément des pathologies graves, me disent-ils qu’ils ont tendance à souffrir du dos pendant les vacances ? Est-ce seulement pour me faire plaisir ? Ils m’assurent qu’ils ont refait régulièrement des segments de leçons chez eux. Mais il semble que ça marche moins bien. Alors il y a peut-être quelque chose qu’ils ne font pas ? Ou au contraire qu’ils font en trop ? Essayons de réfléchir à ce qui est différent pour eux.

Je ne pense pas qu’ils se trompent dans les mouvements. Pour certaines des leçons, ils les connaissent parfaitement, au point que nous en rions quand je les propose lors des cours hebdomadaires, et qu’ils donnent parfois eux-mêmes la consigne !

Non, la principale différence qui m’apparaît c’est qu’ils sont seuls, responsables de leur propre pratique. Ce qui les oblige à être intelligents, et responsables de ce qu’ils veulent faire. Et donc à s’appliquer, pour obtenir des résultats sur lesquels ils comptent. J’ai moi-même déjà largement fait l’expérience de « trop m’appliquer ». Et voici ce qui m’est arrivé… 

Je m’acharne à bien faire, et je commence même à m’entêter ! Je recommence. Je m’attache de plus en plus à obtenir le bon résultat. Je m’acharne… et tout à coup, je constate à quel point cela peut être contre-productif, voire me créer des tensions, et absorber mon énergie. Alors quand je suis fatiguée, vraiment trop fatiguée, je reconnais que je ne sais plus, je m’allonge, et je « rends les armes ». Je prends conscience que je me suis trop obstinée dans une seule direction, dans une seule modalité. Alors je me repose. Et quand je sens que c’est le moment, je fais quelques mouvements Feldenkrais. Sans trop savoir. Sans trop attendre. Et là, quelque chose se produit qui me surprend, qui me réjouit car c’est à chaque fois différent, subtilement différent.

 

Alors pour mes élèves, je me dis que c’est cela que leur permet le cours collectif guidé : de lâcher ! Ils savent que je veille sur eux, et qu’ils peuvent se laisser aller dans l’exploration, qu’ils peuvent s’endormir un peu, se tromper dans les mouvements, essayer des trucs, s’endormir encore, ou simplement se reposer et sentir. Ils peuvent s’appliquer, mais il n’y a pas besoin de réfléchir. Peut-être que simplement, le fait d’être dans un groupe, avec une voix qui vous guide, permet de se laisser flotter, dans un état de conscience tout différent que quand on s’efforce tout seul de s’appliquer.

On s’amuse mieux quand il y a un adulte responsable qui parle à côté. Est-ce cela qui se passe ? D’ailleurs moi-même, j’apprécie de pouvoir me replonger dans le matériel de la communauté Feldenkrais régulièrement. Merci à ceux qui ont mené à bien la retranscription des leçons données pendant plusieurs années à Tel Aviv par Moshe Feldenkrais, merci à tous ceux qui nous communiquent du matériel. J’ai l’impression alors de me reposer sur ces verbatim, et d’être soutenue.

Je fais le rapprochement aussi avec l’anecdote d’un de mes amis qui avait de gros problèmes de dos… qui disparaissaient par enchantement quand il allait skier alors que son ostéopathe lui avait formellement déconseillé de le faire. Parce qu’il s’amusait et ne pensait à rien. Il était plutôt bon skieur, mais il n’y avait aucun enjeu pour lui. Alors que j’ai entendu à la radio récemment que certains faisaient des burn-out parce qu’ils se mettaient trop de pression à méditer ! Tandis que d’autres se font mal lors d’un stage de chiqong…

Alors je vais essayer de le dire encore autrement à mes élèves.

Quand vous êtes en vacances et qu’il n’y a pas de cours de Feldenkrais, faites des mouvements de bébés, d’animaux, faites-les en baillant, en roulant sur le sol, en vous étirant tout doucement, en jouant avec les appuis. Trouvez des enfants avec qui vous allez marcher à quatre pattes. Ces petits mouvements idiots mais qui font tellement sens pour notre système nerveux. Et qui peuvent être des bouts de leçons Feldenkrais.

Mais surtout, surtout faites-les très paresseusement !
Moins vite ! Moins grand !

Avec un bout de sieste entre chaque mouvement. Sans rien attendre. Laissez-là votre intelligence, et ralentissez ! Musardez ! C’est cela qui vous permettra d’entrer dans ce niveau de conscience de soi où le travail Feldenkrais opère. Là où votre corps va retrouver de l’harmonie et l’énergie se réveiller.

Tout doucement.

Oui, ne pas attendre de résultat, et garder l’esprit du débutant : la pratique de la Méthode Feldenkrais a décidément quelque chose à voir avec la Méditation.

Et même si ça marche, vous êtes bien sûr les bienvenus pour revenir explorer lors des cours hebdomadaires, et des ateliers ! Il y a toujours tellement de choses à découvrir !

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