Méthode Feldenkrais et Créativité

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Paris

 

Pourquoi j’ai complété mes accompagnements Feldenkrais avec l’Hypnose Générative…

Pourquoi j’ai complété mes accompagnements Feldenkrais avec l’Hypnose Générative…

Quand j’ai découvert la Méthode Feldenkrais, c’était à l’occasion d’un grave problème de dos, qu’elle m’a permis de résoudre. Et j’ai pu constater la puissance de cette approche pour nous réconcilier avec nos corps en mouvement et en action, et combien cela pouvait devenir une aventure passionnante. C’est pour cela que j’ai décidé un jour de m’y former.

Et au bout de quelques années comme praticienne, j’ai pu expérimenter à quel point ce travail par le corps pouvait aussi venir remuer les émotions de mes élèves !
Que faire des mots et des histoires qu’ils me confiaient, notamment lors des séances individuelles ?

***

Comment accueillir et soutenir leurs émotions ?

Je voudrais vous raconter quelques moments très forts qui m’ont amenée à interroger ma pratique, des moments où je me suis sentie démunie, perplexe, mais aussi curieuse de et particulièrement attentive à ce qui surgissait…

 

Etait-ce vraiment le travail Feldenkrais qui déclenchait cela ?
Etait-ce aussi parce que j’aime les histoires, d’autant qu’à l’époque j’étais encore très engagée dans mon métier de scénariste ?
Etait-ce parce que moi-même je faisais un travail thérapeutique sur moi-même ?
Sans doute un peu de tout cela …

Des émotions surgissent dans le travail par le corps

Bien sûr, les prénoms ont été modifiés, pour préserver l’anonymat… mais les histoires sont vraies…

Annie, 55 ans, vient faire une série de séances individuelles pour faire face à des vertiges et des pertes d’équilibre.

Dans son cas, il n’y avait pas de diagnostic clair, malgré un symptôme très handicapant, et le travail sur les otolithes avec un ORL n’avait pas donné de résultat probant. Nous commençons à travailler en séance individuelle. Une dame toute douce, réservée, avec une belle présence. Une fois allongée sur la table,  difficile de toucher sa nuque et sa tête. Elle a tellement peur que cela lui déclenche une nouvelle crise de vertige. Dommage, car j’aurais bien aimé vérifier la mobilité des cervicales, souvent impliquées dans ce cas… Mais hors de question de forcer. Je l’invite à mobiliser d’autres parties du corps, dont les épaules, à respirer plus profondément, et je commence à la sentir plus en confiance de sa part. Elle se sent mieux, elle se détend.

 

Et puis au bout de quelques séances, j’ai l’intuition de travailler sur ses pieds et ses chevilles. Peut-être parce que c’est la zone de son corps la plus éloignée de celle où Annie concentre tout son stress ? Une manière de tromper son attente ? Nous commençons à nous connaitre, et elle a confiance. Mais j’ai constaté que les personnes ont tendance à « bloquer » leurs zones sensibles… Et qu’il vaut mieux parfois aller travailler ailleurs que sur la zone problématique, choisir un détour pour gagner du temps.
Je commence à mobiliser très en douceur les chevilles… et je constate que ce n’est pas si facile… Et bientôt Annie fond en larmes.

Elle me raconte comment sa mère est morte à l’occasion de sa naissance et que son père ne lui a jamais pardonné : elle avait « tué sa mère ».  Le travail sur les chevilles a fait remonter cette vision dont son corps se souvient : bébé, elle était attachée par une petite cordelette entre sa cheville et son berceau dans lequel on la laissait des heures durant car « elle ne méritait pas qu’on s’occupe d’elle »…

 

J’ai accueilli ces paroles avec stupeur et beaucoup d’émotion. Je crois bien que c’était la première fois qu’une de mes élèves me racontait une histoire aussi lourde. J’avais aussi beaucoup de gratitude pour sa confiance.
Et je me suis efforcée de prouver à Annie qu’elle méritait qu’on s’occupe d’elle !
Le travail a pu avancer autrement. J’ai pu commencer à toucher son crâne, ses cervicales, avec la sensation d’apprivoiser une partie de son corps qui était restée cachée depuis longtemps. Et l’état d’Annie s’est amélioré clairement au bout de quelques séances…  Elle a pu apprendre à gérer, et à empêcher les vertiges de la submerger…  

Camille, 30 ans, bassin figé

Elle m’est envoyée par sa mère qui connait la Méthode Feldenkrais. Elle lui a conseillé d’essayer, en plus de tas de démarches qu’elle a déjà entreprises… « au point où elle en est » ! Camille est dans un contexte de vie éprouvant : cela fait plusieurs années qu’elle essaie en vain d’avoir un bébé. Rien ne semble marcher. Pourtant les résultats d’analyses n’expliquent pas ces échecs. Alors elle y croit de moins en moins.

Là encore, je l’allonge sur la table pour quelques mouvements tests. Et je constate que son bassin est très figé, presque recroquevillé ?
Est-ce à cause de toutes les procédures médicales invasives ? Je n’en sais rien, mais je suis convaincue qu’il est souhaitable de lui ré-impulser du mouvement, de la souplesse, une forme d’ouverture pour y accueillir un projet de vie.

Je propose de tout petits mouvements très doux, dans la thématique de la fameuse « horloge du bassin ». Camille est visiblement une sportive, et son corps répond plutôt vite et bien. Et là encore, tout à coup, elle se souvient… fait le lien, et me raconte.

Camille a fait une chute de cheval lors d’un saut d’obstacle il y a quelques années, et elle s’était fait très peur. Quand elle me raconte cela, son bassin se contracte encore une fois, avec des spasmes musculaires. Le corps se souvient ! Alors qu’elle n’avait jamais fait le rapprochement entre cet accident et l’impossibilité de tomber enceinte.

Cette fois, je me permets de lui parler de moi, de ma fracture du bassin alors que j’avais 20 ans, et de ma facilité à « me retrouver enceinte » à 40 ans passés, justement pendant que je suivais ma formation Feldenkrais et que je m’appliquais à mobiliser mon bassin.  Elle se détend. Nous continuons de travailler, elle revenant régulièrement sur cette image de l’accident, et moi lui faisant sentir la détente possible de la région du bassin.

Camille se sentait beaucoup mieux après la séance et m’a promis de revenir et/ou de me donner des nouvelles. Je ne l’ai pas revue, j’aime imaginer que c’est parce qu’elle est miraculeusement tombée enceinte quelques temps après notre séance, qui a pu y contribuer…

Et d’autres récits qui surgissent ainsi à l’improviste…

  • Cette dame qui a si mal aux épaules, et qui lors d’une de nos séances fait tout à coup le lien avec sa sœur, morte d’un cancer plusieurs années auparavant, et qu’elle avait soutenue pendant des mois à bout de bras. Là encore beaucoup de larmes, et peu à peu l’apaisement.

  • Une dame de 60 ans, qui a du mal à marcher, et vient avec l’aide de son fils. Là encore je lui fais sentir la possibilité de bouger le bassin, et elle s’émerveille : je ne savais pas que le bassin pouvait bouger et que ça soit agréable, je croyais que le bassin ne servait à rien ! C’était tellement surprenant d’entendre cela exprimé en face de son fils qu’elle avait porté de longs mois dans ce même bassin… Je n’ai jamais su quel secret cela pouvait cacher.

  • Et d’ailleurs certains ne verbalisent jamais, et s’arrangent pour rester figés le plus longtemps possible.

  • Jusqu’à une crise de larmes qui submerge tout à coup, alors qu’on est dans un tout petit mouvement minuscule de détente, ou une respiration à peine soutenue. Ces personnes qui font pour la première fois l’expérience que « quelque chose pourrait être plus facile »

Bien sûr, je travaillais aussi avec ces personnes pour lesquelles on restait sur des problématiques purement corporelles, mais ces histoires m’ont marquée, et je n’y étais pas préparée lors de ma formation de praticienne, où la question des émotions avait été très peu abordée.

Il faut dire qu’il y avait tant de choses à apprendre !…

Entre les notions d’anatomie, l’architecture du squelette, les chaînes musculaires…
Mais aussi tout le travail sur l’équilibre du corps en mouvement en réponse à la gravité !

Et quand le lien corps-esprit était évoqué, c’était plutôt pour parler du fonctionnement du système nerveux autonome, de la proprioception, des habitudes acquises qui court-circuitent les sensations.

Bref, il y avait de quoi faire…

Et peut-être aussi une volonté de s’appuyer sur dimension «scientifique » et rationnelle de la Méthode Feldenkrais.
On était à l’époque où les recherches sur la neuroplasticité allaient bientôt valider cette approche.

Alors il n’y avait pas beaucoup de place pour les émotions, même si nous en avons tous traversé…Chacun de nous a craqué un jour où l’autre, nous avons eu des crises de larmes, ou aussi de fou rire, mais comme dans toute formation intensive.  

 

 

Je croyais encore qu’il y avait le corps d’un côté, les émotions de l’autre, tout en continuant de bien répéter que « émotion » veut dire « se mettre en mouvement » ! Même si moi aussi j’en ai traversé des émotions à l’occasion des séances collectives notamment… mais je vous racontera cela une autre fois.

 

Travailler avec les émotions.

Tous ces indices et mon goût pour les histoires, m’ont amenée à me former pour pouvoir travailler avec les émotions.  

Cela a été tout un parcours, nourri de mon propre parcours de thérapie, et jalonné de découvertes de pratiques stimulantes et riches ! Méditation, Danse des Cinq Rythmes, Open Floor, j’ai continué à expérimenter sur moi-même… tout en lisant des livres sur le sujet, notamment ceux du formidable Peter Levine sur la manière dont les traumas s’impriment dans le corps, et dont je parle plus longuement dans un autre article de ce blog, Apaiser son stress par le mouvement.


Et puis j’ai rencontré l’Hypnose Générative, développée par Stephen Gilligan, qui m’est apparue si pertinente et cohérente avec l’approche Feldenkrais et tout le parcours que j’avais fait jusque-là. Très loin de « l’hypnose de spectacle »,  s’agit de pouvoir accueillir les émotions, les soutenir pour qu’elles se transforment. On accompagne les personnes dans un chemin vers la découverte d’autres possibles et l’autonomie. Et j’ai ressenti profondément qu’on allait travailler dans les mêmes parties de la conscience qui sont stimulées par la pratique de la Méthode Feldenkrais.

Cette approche ne se substitue pas à une thérapie longue durée, et parfois les mots ne viennent pas, même si les émotions sont là: nous restons alors sur le corps, et la transformation pourra avoir lieu aussi, peut-être plus longue, mais avec tout mon soutien.

Je sais  que cette formation à l’Hypnose a nourri la manière dont j’enseigne, et donc j’accompagne les personnes. Et selon les cas, je peux aussi conjuguer les deux approches, soit dans la même séance, soit en alternant des séances Feldenkrais et des séances d’Hypnose. Et je suis toujours aussi émue quand des souvenirs remontent à la surface lors d’une séance Feldenkrais, mais moins démunie…

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