Méthode Feldenkrais et Créativité

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APPRENDRE ENSEMBLE : Ehlers-Danlos et Feldenkrais

APPRENDRE ENSEMBLE : Ehlers-Danlos et Feldenkrais

En 2022, je suis contactée par Xavier (le prénom a été changé), un scientifique qui va sur ses 40 ans récemment diagnostiqué SED : Syndrôme d’Ehlers-Danlos. Cet article raconte quelques étapes des 18 mois pendant lesquels j’ai accompagné Xavier, et comment il a pu apprivoiser sa condition, et s’engager sur un chemin de santé.-

Ehlers-Danlos c’est quoi ?

Cela commence par un mail de Xavier en décembre 22. Il prend rendez-vous avec moi, en m’expliquant qu’il a un syndrome d’Ehlers Danlos (SED) qui lui cause « énormément de problèmes de santé :  douleurs musculaires et articulaires fréquentes ainsi qu’une hyperlaxité ligamentaire. »

Il s’est renseigné sur le site d’un spécialiste américain de la maladie, le Professeur Pradeep Chopra,  et a découvert que celui-ci recommande la pratique de la Méthode Feldenkrais. Xavier souhaite « apprendre des exercices pour prévenir les douleurs, et les faire partir lorsqu’elles surviennent et améliorer sa mobilité »

Non, je n’avais jamais entendu parler du SED ! mais…

Dans ce mail, ce qui me rassure, c’est que Xavier ne s’attend pas à ce que je connaisse le SED. Il m’indique même le nom du médecin français qui est la référence historique sur cette maladie, le professeur Claude Hamonet. J’explore son site, pour découvrir notamment qu’un déficit de la proprioception est l’un des symptômes de cette maladie complexe : je comprends mieux pourquoi on peut alors recommander Feldenkrais !

Ma curiosité est éveillée… je ne sais pas encore ce que nous ferons ensemble avec Xavier. Je n’avais jamais entendu parler de son syndrome effectivement. En tant que Praticienne Feldenkrais, je suis souvent sollicitée pour des problématiques très diverses, que je ne connais pas forcément.

En effet, avec Feldenkrais, nous ne soignons pas des maladies, nous accompagnons les personnes dans un processus d’apprentissage et de recouvrement. Il s’agit de les aider à réveiller et stimuler leur potentiel, et à toujours « trouver des possibles » pour améliorer leurs mouvements, leur mise en action.

Premier rendez-vous, le SED je découvre ?

Lors de notre première séance, Xavier m’explique à quel point le diagnostic de SED est complexe, car il n’y a pas de marqueurs biologiques. Il y a souvent des retards de diagnostic qui peuvent être d’une vingtaine d’années.

Le SED est “ une famille hétérogène de plusieurs maladies génétiques du tissu conjonctif ayant en commun la triade clinique hyperextensibilité cutanée, hyperlaxité articulaire et fragilité tissulaire “. C’est une maladie complexe avec une multitude de symptômes possibles… nous n’en ferons pas une mention qui ne saurait être exhaustive, mais resterons sur le cas de Xavier, qui me fait un portrait de ses antécédents.

Pour lui, le côté positif de ce diagnostic qui vient de tomber, est que cela donne une cohérence à toute une série d’épisodes de santé inquiétants auxquels il a été confronté par son passé :

  • Une crise à l’âge de 25 ans alors qu’il avait commencé la musculation pour être plus en forme. Résultat : 6 mois avec les bras tellement en souffrance qu’il ne pouvait plus écrire.
  • Cinq ans plus tard, à nouveau une crise de 6 mois avec des douleurs à la voûte plantaire, et toute une période où il était impossible de marcher et où il n’arrivait pas à utiliser ses bras.
  • Puis trois ans plus tard, de nouveau des difficultés au niveau des bras pendant des semaines.
  • Et quand il vient me voir, des douleurs régulières au réveil, et un manque de force dans les bras à nouveau…
  • Des douleurs quand il marche trop sur des sols durs
  • Et les premières séances vont faire apparaître d’autres symptômes comme le froid ressenti dans les extrémités des membres.

Un accompagnement adapté au fur et à mesure

L’intérêt d’une séance individuelle Feldenkrais, pour la plupart de ceux qui la reçoivent, c’est le toucher du praticien… Souvent j’explique que cela peut ressembler à une séance d’ostéopathie, mais avec des questions qui sont différentes.
J’invite la personne -par le toucher-  à de petits mouvements doux, je lui donne du soutien à certains endroits où je perçois des tensions, en guettant tranquillement la réponse du système nerveux.

Mais là, Xavier m’indique d’emblée plusieurs endroits de son corps où il ne faut surtout pas le toucher, notamment la nuque. L’un de ses symptômes classiques dans le SED est en effet les déplacements fréquents de vertèbres. Comme les tissus conjonctifs sont hyperlaxes, toutes les articulations sont susceptibles de se déboîter.

Durant toute une première période, mon travail avec le toucher se limitera donc à faire sentir la respiration dans le tronc, mains sur les abdominaux.

Pourtant Xavier m’a expliqué qu’il pratique la salsa : alors j’ai l’impression de voir un grand échalas qui se déplace avec des vertèbres qui ondulent et parfois l’une d’entre elles qui prend de l’avance ou du retard, et qu’il faut « rattraper et réemboîter » comme dans les danses de squelettes de Noces Funèbres de Tim Burton…

Faire explorer le mouvement par un guidage verbal

Pendant les premières semaines, je vais donc proposer à Xavier des petites séquences de mouvements qui peuvent faire sens pour lui. Et nous commencerons par la fameuse et classique « Horloge Du Bassin » pour lui faire savourer la sensation de force qui peut traverser la colonne vertébrale.-

Peu à peu, j’intègre de nouvelles séquences, au fur et à mesure que Xavier apprivoise certains mouvements et surtout ses sensations. Pour favoriser aussi cette sensation du soutien de la colonne vertébrale, nous travaillons souvent en position assise et debout.

Mais chaque nouvelle séquence de mouvements suppose un long temps d’apprivoisement. En effet, il y a toujours chez Xavier l’appréhension que cela ne déclenche une nouvelle série de symptômes… et je prends bien soin de respecter ses demandes.

Nous devons aussi composer avec des épisodes de plaies cutanées qui ont du mal à cicatriser, ou des problématiques de digestion. Là encore j’adapte au fur et à mesure, et nous commençons à intégrer aussi beaucoup d’explorations autour de la respiration.

Mais les premiers résultats sont là : très vite, Xavier m’explique qu’il souffre notamment beaucoup moins de cette sensation de froid aux extrémités qui lui compliquait beaucoup la vie. Et qu’il reprend confiance peu à peu dans différents mouvements…

Le rôle du stress dans le SED et d’autres maladies chroniques

Et un jour Xavier arrive tout content : il vient de découvrir les travaux d’une médecin et chercheuse américaine, Sharon Meglathery. Elle a élaboré la théorie du RCCX qui permet d’expliquer tout un ensemble de maladies liées à l’hyperlaxité – dont le SED- par une mutation génétique qui rendrait les personnes très sensibles aux effets du stress.

Comme pour le SED, je vais aller regarder le site qu’il m’indique, pour comprendre un peu mieux, mais là encore je constate vite que toutes ces preuves scientifiques me dépassent.

En revanche, la découverte de Xavier va conduire à un tournant dans mon accompagnement… Il est désormais à l’écoute de son niveau de stress… Et là, j’ai bien des éléments pour lui répondre.

Des pratiques en mouvement pour apprivoiser le stress

En effet, la Méthode Feldenkrais a un effet profond sur le stress… certains qualifient sa pratique de « méditation en mouvement ».

  • un contexte apaisant et sécurisé
  • des mouvements qui ne mettent pas en danger
  • une qualité d’attention particulière
  • qui va systématiquement passer du détail à une dimension plus globale
  • incluant la respiration…

En outre, j’ai complété ma boîte à outils avec l’Open Focus et surtout l’Hypnose Générative.
Nous allons traverser avec Xavier une période où nous nous concentrons sur des pratiques en assise, incluant des visualisations…

Et quand nous revenons sur des séquences de mouvement en position allongée, je m’aperçois que je peux commencer à le toucher dans différentes zones de son corps sans que cela ne déclenche ni appréhension ni symptômes !

D’autres personnes atteintes de SED : de nouvelles adaptations…

Xavier me prouve sa confiance en m’adressant plusieurs de ses amis touchés par le SED. Croyez-vous que je sois devenue une experte avec des protocoles tout applicables ?
Non ! Mais c’est justement cela ma compétence de praticienne !
Même s’il y a des caractéristiques communes, chacun a ses symptômes, et aussi ses enjeux de vie au quotidien.
Donc à chaque fois de nouvelles découvertes et des adaptations au fur et à mesure !

Une étape importante : l’arrêt des séances…

Au bout d’un peu plus d’un an d’accompagnement, Xavier espace les séances puis les interrompt : il estime qu’il a désormais les outils pour se gérer.

Et j’en suis très fière : l’approche Feldenkrais vise à aider les personnes à recouvrer leur pleine liberté d’action !

Bien sûr, selon les symptômes et les problématiques, l’accompagnement peut être plus long, notamment sur les maladies chroniques.

Il y a aussi certaines personnes qui vont continuer à venir régulièrement parce qu’elles apprécient d’être soutenues pour gérer leur corps en mouvement au quotidien…
Mais j’apprendrai plus tard pourquoi Xavier a eu besoin de s’affranchir… Et il sait bien qu’en cas de besoin, il pourra venir faire quelques « révisions »…

15 mois après notre parcours, l’amélioration se poursuit…

Nous restons en contact avec Xavier, et il me donne régulièrement de ses nouvelles.
Et il accepte même de prendre du temps avec moi en vue de cet article… Et c’est à cette occasion que je vais mieux comprendre ce qu’il s’est passé lors de l’arrêt des séances…

Il y a quelques mois, Xavier avait rendez-vous pour son suivi dans un centre médical spécialisé sur le SED, et les médecins lui ont reproché de ne pas avoir appliqué certaines de leurs préconisations dont les vêtements de contention et le port permanent des semelles orthopédiques… même s’ils ont été sensibles à tout ce qu’il avait mis en place par rapport à la gestion du stress.
Bel acte manqué : il a oublié de programmer son rendez-vous suivant en sortant.

Cela a été la première étape d’un chemin qu’il a mis en place doucement…
Il a continué encore quelques séances avec moi, puis n’a pas repris après un long déplacement professionnel à l’étranger.

Désormais, il prend soin de lui en privilégiant ce qui lui fait plaisir, et en gérant son stress.

Quand je discute avec lui, je constate qu’il s’est profondément approprié les outils que je lui ai transmis même s’il a l’impression d’avoir tout oublié : c’est que leur utilisation est devenue « naturelle » pour lui !

Et il a même fait évoluer sa pratique de la danse…

En tout cas l’amélioration se poursuit pour Xavier :

-il peut passer moins de temps en télétravail et travailler plus sur site
-il prend désormais les transports en commun sans risque que cela déclenche des crises
-il n’a plus les symptômes de « froid aux extrémités »
-il gère la force dans ses bras.

Et petit bonus lors de notre discussion en face à face pour la rédaction de cet article …

Xavier constate que quand il parle de ses symptômes, ceux-ci se manifestent, mais qu’il arrive à gérer !!!… je suis ravie que ce temps qu’il m’a accordé devienne pour lui l’occasion d’une nouvelle expérience intéressante !

 

 

 

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